« L’espérance du courageux » dans La fin du courage, Cynthia Fleury
« L’espérance du courageux est une espérance d’exilé. Une espérance dans la tristesse, mais qui ne s’adonne pas au nihilisme. Un refus total du cynisme. Non pas la joie, mais le refus vaillant du désespoir. Et peut-être est-ce là déjà une joie ? « C’est pourquoi, écrit Hugo, celui qui écrit ceci a été pendant ces dix-neuf années content de se sentir honnête, triste du crime à extension indéfinie qui d’âme en âme gagnait la conscience publique et avait fini par s’appeler la satisfaction des intérêts. Il était indigné et accablé de ce malheur national qu’on appelait la prospérité de l’empire. Les joies d’orgies sont misères. Une prospérité qui est la dorure d’un forfait, ment et couve une calamité. […] C’étaient là les douleurs du proscrit, douleurs pleines de devoirs. Il pressentait l’avenir et dénonçait dans l’étourdissement des fêtes l’approche des catastrophes. Il entendait le pas des événements auquel sont sourds les heureux. […] La honte bue, c’est la France morte. (…) »* C’est l’espérance de ceux qui savent là où les autres sont ignorants, qui intuitionnent là où les autres sont aveugles. Les apôtres d’une parole que personne ne désire entendre comme les caverneux ne désirent pas voir la lumière. Alors tel l’archange Gabriel, archange empourpré dont l’aile ténébreuse ne saurait cacher celle qui est lumineuse, le courageux de son dire mêlé annonce la suite, et de son lieu lointain. Il est celui qui dans l’exil sait la vraie nature de l’événement. »
Cynthia Fleury, La fin du courage, Ed. Livre de Poche, p. 81.
*Victor Hugo, Combats politiques et humanitaires. Anthologie et commentaires, choix de textes, préface et dossier thématique par Gérard Gengembre, Paris, Pocket « Classiques », p. 150.