« La culture au sens d’œuvre », Cynthia Fleury
Réflexions sur les espaces renaissants, l’individuation, l’identité, la culture, et autres, par Cynthia Fleury dans une émission de France Culture autour de son livre « Dialoguer avec l’Orient, retour à la renaissance » ; émission de Ghaleb Bencheikh à écouter intégralement ici¹.
Extraits
» Le souci de soi et le souci de l’état de droit est matriciellement au même endroit. (…) Ce qui fait un individu c’est la question de l’individuation ; un processus de singularisation, de différenciation, oui, mais un processus qui est en entrelac avec le monde, avec l’autre, avec ce qui n’est pas lui, avec la conscientisation de son manque, mais aussi la conscientisation des manques qui l’ont précédé. Un être humain, comme dit Jung, est un âge immense. Donc tout ce qui a été avant soi est en soi . (…)
Cette citoyenneté est le ferment de tout cela. Elle travaille avec, à la fois, cet endogène, à l’instant T où nous sommes, notre monde, nos insuffisances et en même temps nos suffisances au sens positif du terme. (….)
La culture est un bien vital. La culture au sens de mon histoire, ma tradition, mon origine, et en même temps la culture au sens d’une autorisation de déconstruction de cette origine, et de quelque chose que je ne connais pas. La culture au sens d’œuvre, la culture au sens de futur, la culture au sens de ‘commons’, la culture au sens de désaffiliation, de désappropriation, mais attention, désirée ou en bataille, mais quelque chose qui fait que je ne suis pas au même endroit et que ma vie c’est le fameux chemin d’Orient, c’est-à-dire je bouge, je n’ai pas une assignation à résidence, et pour reprendre un terme simple d’Amartya Sen, à partir du moment où vous « polarisez » votre identité (généralement ethnie ou religion), vous transformez votre identité en captivité, alors que nous devons comprendre comment l’identité est plurielle. Nous sommes nombreux à l’intérieur de nous!
Nous participons de ce réductionnisme, de cette panique à montrer une seule manière de penser notre appartenance. Cette notion d’appartenance est fondamentale mais en revanche, il faut l’ouvrir, ce qui n’est pas simple mais qui est aussi la densité d’une expérience existentielle forte.
(…)
Les espaces renaissants sont des espaces, pour prendre le mot de Foucault, parresiastiques. C’est-à-dire des espaces où il se dit quelque chose, une tentative de vrai, et surtout comme dit Foucault, « risquer le dé-lien ». Cela veut dire que précisément pour préserver le lien avec les Hommes je risque le dé-lien au sens où je dis quelque chose qui n’est pas du domaine de la simple complaisance, qui n’est pas simplement du discours sûr, qui est que ce logos que je dis là fait advenir une réalité nouvelle ; c’est cela un espace parresiastique, un espace renaissant. » Cynthia Fleury

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1-https://www.franceculture.fr/emissions/questions-dislam/cynthia-fleury-perkins