Scènes – Vie quotidienne #1 – Le Goûter
Le Goûter
Lieu réel : centre d’une grande ville
Le contexte :
Enfant de 8 ans, accompagné par sa maman un mercredi après-midi en centre-ville, a envie d’un goûter (rituel du mercredi après-midi : la petite viennoiserie achetée en boulangerie.)
D’humeur plutôt détendue, un enfant et sa maman se dirigeaient vers le « point chaud » le plus proche, les boulangeries dignes de ce nom ayant déserté cette partie du quartier où ils se rendaient.
A leur entrée dans le magasin se fit entendre le bonjour souriant et « tonitruant » de la maman qui avait cette habitude de saluer chaleureusement les personnes à qui elle s’adressait.
L’enfant lança aussi un bonjour enthousiaste aux deux vendeuses présentes derrière le comptoir.
Pas de réponse!
Le cerveau de la maman interpréta rapidement ce silence et rendit sa conclusion : « Le bruit ambiant! Elles n’ont sans doute pas entendu le bonjour! ».
Un deuxième bonjour résonna, histoire de retenter de nouer le fil de la politesse.
Pas de réponse !
( Il n’y avait pas d’autres clients dans la boulangerie à ce moment-là ; il n’y avait donc pas de pression particulière.)
Dans la seconde qui suivit, un mot rapide et légèrement inaudible surgit, adressé par l’une des deux vendeuses :
– « Je finis ça et j’arrive… ».
Pendant ce temps-là, l’enfant regardait la vitrine pour choisir.
La vendeuse arriva.
L’enfant ne savait pas s’il allait prendre ce « cookie géant aux 3 chocolats » ou cet autre « cookie géant aux pépites de chocolat ».
La maman essaya de comprendre la différence entre les deux biscuits et s’adressa à la vendeuse.
Cette dernière répondit à peine et commença à emballer précipitamment l’un des cookies car la main de l’enfant, hésitant sur la vitrine – à l’instar de la bille sur la roulette -, esquissait un début d’arrêt sur l’un des deux « cookies géants » sans pour autant que le choix soit définitif. La maman savait que l’enfant n’était pas sûr de son choix ; elle lui demanda donc de le repréciser (habitude chez les mamans de vérifier par anticipation…).
Tout cela avait pris une trentaine de secondes. Mais la vendeuse semblait être tellement pressée qu’elle ne parvenait pas à supporter cette hésitation prolongée d’une trentaine de secondes que l’enfant et sa mère prirent pour choisir le cookie géant !
Le choix de l’enfant tomba enfin : « celui-là » !
La vendeuse encaissa et la maman, sur un ton teinté d’amertume et de regret, lui dit :
– « J’espère qu’on ne vous a pas dérangée?! »
La vendeuse baragouina des phrases inaudibles, et la maman rajouta :
– « On peut quand même prendre 5 minutes pour choisir, non ?! ».
La vendeuse se fendit d’une phrase qui finit par « à bientôt ».
La maman, devenue cynique, répondit :
– « Non pas à bientôt, je ne reviendrai pas! ».
Puis continua à râler en sortant de la boulangerie, sur « cette société de m* où nous sommes relégués au rang d’objets qui ne communiquent même plus. »
Cette maman songeait déjà que dans le futur, elle préférerait causer à un robot. Au moins, le « contrat » serait clair : Machine/Homme, et non : Homme/Homme !
Pourtant, elle était suffisamment armée pour comprendre que parfois « un job à la con » peut rendre un employé indifférent… Mais, rien à faire ! La maman était en colère cette fois-ci!
Elle était manifestement indignée par l’ensemble de la structure relationnelle et sociale, dans laquelle il était courant d’assister à ce type de non-communication devenu habituel dans les grandes villes.
« La communication avec autrui s’est dévitalisée », dit-elle.
L’enfant dégusta son « cookie géant aux trois chocolats » goulûment. Il constata que la vendeuse du magasin des habits était bien plus gentille.
FIN

Par Rawa-Marie Pichetto - 27 septembre 2018